Présentation scientifique

Sur la fin de sa vie, en 1533, Érasme publie le Liber de sarcienda ecclesiae concordia (La souhaitable concorde dans l’Église), un vif plaidoyer en faveur de la réunion des chrétiens divisés. Cette œuvre est considérée comme l’expression la plus réussie de sa réflexion sur l’œcuménisme. Elle est dédiée à l’un de ses plus vieux amis, l’Allemand Julius Pflug (1499-1564).

Vivant alors dans une grande paix intérieure, l’humaniste désire ardemment voir les catholiques et les protestants se réunir avant qu’il ne soit trop tard. Selon lui, « il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu, mais divers sont les regards tournés vers lui ». Il se désole d’assister à une lutte entre des personnes « qui refusent toute innovation » et d’autres « qui ne veulent rien laisser en place ». Son Liber de sarcienda ecclesiae concordia est une véritable synthèse de sa philosophie chrétienne et de son programme religieux : primauté de l’Évangile, mission de l’Église, purification des institutions et de la piété. Érasme lance au passage un vibrant appel au respect mutuel. Il exhorte les catholiques à renoncer à attiser l’animosité des protestants en les affublant du terme d’hérétique. Aux partisans de la nouvelle religion, il leur conseille de se montrer plus tolérants à l’égard de la piété populaire. Et d’alerter : « chacun des deux partis tend la corde au point de la rompre pour le malheur de tous ; d’où le désordre général auquel nous assistons ». Les questions dogmatiques sont également abordées, mais l’humaniste refuse toute concession, ici. Il demande toutefois un peu de tact dans leur approche, notamment au sujet du libre arbitre, de la justification et de l’eucharistie. Le livre incite aussi les deux factions à adopter une attitude mesurée, tout en plaidant pour une transformation de l’Église opérée pas à pas et avec soin.

La souhaitable concorde dans l’Église ne rencontra pas l’accueil espéré par son auteur. Catholiques, comme protestants, accusent l’humaniste de faire preuve d’indifférentisme, de donner l’impression de ne plus vouloir prendre parti. Luther, dont la rupture avec Érasme est largement consommée, réaffirme qu’il ne peut parvenir à un accord avec quiconque ne se fonde pas exclusivement sur l’Écriture. Le volume se verra condamner par l’Église plus de vingt ans après sa parution. Les traductions françaises et néerlandaises intégreront l’index de Louvain en 1558.

L’exemplaire de l’Université de Liège, décrit ici, est relié avec une autre édition princeps d’Érasme, également sortie des presses de la firme Froben à Bâle, l’Enarratio psalmi trigesimio octavi multum ab enarratione veterum differens (1532). Il comporte en outre des mentions d’appartenance manuscrite contemporaine, dont l’une témoigne du don du frère Warsenius à l’abbé de Stavelot-Malmedy Guillaume de Manderscheid († 1545).

Renaud Adam
Attaché