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Saint Jacques et le magicien Hermogène

Author(s), creator(s), collaborator(s) : Heyden, Pieter van der [dit Merica]; Bruegel, Pieter
Type of the represented object : Print (visual works)

Détails
Author(s), creator(s), collaborator(s): Heyden, Pieter van der [dit Merica] (c.1530-1575) (engraver)
Bruegel, Pieter (c.1525-1569) (inventor)
First publication of the original object: 1565
16th century
Modern times (1492-1789)
Original object location: Musée Wittert
Identifiant(s): Liège, Musée Wittert, inv. 26898
Technique: Gravure au burin
Dimensions, weight or duration: 218 x 291 mm
Description: État I/III

Inscriptions : en bas, à gauche du milieu : Bruegel . invent ; en bas à droite : Cock . excudebat . i565 ; dans la marge : DIVUS IACOBUS DIABOLICIS PRAESTIGIIS ANTE MAGUM SISTITUR
Part of: Public domain
Permalink: https://hdl.handle.net/2268.1/8707

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26898.jpg
Description:
Size: 699.4 kB
Format: JPEG
Access type: Open Access
Scientific presentation

Le récit de la rencontre entre saint Jacques et le magicien Hermogène, calqué sur le modèle de la victoire de saint Pierre sur Simon le magicien – cette proximité thématique explique que, sur le troisième état de la Chute du magicien, ont été ajoutées trois séquences versifiées, en latin, français et néerlandais, évoquant la mort de Simon le magicien –, nous a été transmis par l’intermédiaire de la Legenda Aurae. Dans cette imposante compilation hagiographique, Jacques de Voragine relate comment le magicien, sur l’invitation de Pharisiens, ordonna à ses démons de s’attaquer à l’apôtre afin de l’empêcher de prêcher à nouveau et de convertir des païens. Contre-carrant les desseins d’Hermogène, saint Jacques parvint, grâce à une foi inébranlable, à rallier les créatures à sa cause et à les retourner contre leur maître, entraînant jusqu’à la conversion de ce dernier. Pieter Bruegel choisit de dépeindre ces événements dans deux dessins, transférés ensuite sur cuivre par le graveur Pieter van der Heyden. Seul le dessin préparatoire à la seconde estampe (Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-00-559), signé et daté de 1564, nous est parvenu.

Ces deux estampes peuvent être considérées comme les derniers témoignages de l’emploi par Pieter Bruegel d’un vocabulaire formel développé, quelques décennies plus tôt, par Hieronymus Bosch. La multitude de démons qui peuplent les deux compositions jouent cependant ici un rôle bien différent de celui qui leur est dévolu dans la Tentation de saint Antoine par exemple, en ce qu’ils ne cherchent pas tant à faire vaciller la volonté du saint qu’à s’acharner sur leur invocateur. Alors que le récit hagiographique s’achève paisiblement avec la conversion d’Hermogène, la représentation de Bruegel est bien plus tumultueuse. Debout à l’entrée d’une église, saint Jacques, la main droite levée en signe de bénédiction, assiste à un déferlement de violence ; le magicien a été renversé de sa chaise et est maintenu la tête en bas, suivant un motif emprunté à une gravure anonyme florentine de vers 1470/80 illustrant l’Orgueil (Superbia), par une foule de démons disposés en pyramide qui le brutalisent. Sur la gauche, le cadavre d’un homme, allongé sur une table, la tête détachée du reste du corps et placée sur un plateau, à quelques centimètres d’une épée, ajoute à l’horreur de la scène. L’identité exacte du supplicié reste incertaine. Peut-être s’agit-il de Joséas, scribe converti par saint Jacques sur le chemin de son martyre, condamné lui aussi à être décapité. Compte tenu des différences morphologiques, il semble peu probable qu’il s’agisse de l’apôtre lui-même. Lors de l’exposition à Chemnitz, en 2014, était émise l’hypothèse qu’il puisse s’agir d’un « escroc décapité ».

Des ventriloques, contorsionnistes et autres funambules, inspirés à l’artiste par les foires et kermesses du temps, partagent l’espace pictural avec ces créatures hydriques, à l’image de la farandole qui se déploie l’avant-plan de la Chute du magicien. Pratiquant un art à la frontière entre prestidigitation, magie et théâtre de rue, les jongleurs et les saltimbanques trouvaient place dans les traités de démonologie, au côté de la traditionnelle sorcière se déplaçant sur un balai, à l’instar de celle qui s’échappe par la cheminée, sur la droite de la première planche, et du magicien invocateur de démons. Accusés, au Moyen Âge déjà, d’offenser l’image de Dieu en contorsionnant leurs corps, ils étaient alors considérés eux aussi comme des disciples du diable. Ainsi, c’est une évocation de l’univers démoniaque, au sens large, que l’artiste nous donne à voir.

Au-delà de l’épisode hagiographique, ces gravures illustrent la lutte pour la domination entre puissances occultes et croyances orthodoxes, qui voit, en définitive, la Vraie foi triompher de la superstition et de l’impiété. Aussi, se distinguent-elles par l’orthodoxie de leur contenu. Renilde Vervoort exposait un possible lien entre le thème des gravures et la persécution des sorcières qui avait cours vers 1560. Saint Jacques, en ses qualités de saint patron de l’Espagne et de combattant de l’hérésie, joua un rôle de première importance dans ce contexte. En tant que metamoros, c’est-à-dire un « tueur de Maures », l’apôtre représentait en outre une figure centrale en Espagne et dans les Pays-Bas, du temps de Charles V et Philippe II.


Transitions

Gaylen Vankan 

Cette présentation a été réalisée dans le cadre de la collection "Arm@rium Universitatis Leodiensis. La bibliothèque virtuelle du Moyen Âge et de la première Modernité de l’Université de Liège", développée par l'Unité de Recherche Transitions .


Œuvre liée à cette notice:
Pieter Van der Heyden, d’après Pieter Bruegel l’Ancien, La chute du magicien, 1565, gravure au burin, 220 x 291 mm (Liège, Musée Wittert, inv. 26899).
http://hdl.handle.net/2268.1/8708
Citer cette présentation :
Vankan G., « Pieter Van der Heyden, d’après Pieter Bruegel l’Ancien, Saint Jacques et le magicien Hermogène, 1565, gravure au burin, 218 x 291 mm (Liège, Musée Wittert, inv. 26898) », in Arm@rium Universitatis Leodiensis. La bibliothèque virtuelle du Moyen Âge et de la première Modernité de l’Université de Liège, décembre 2020. http://hdl.handle.net/2268.1/8707
Bibliographie sélective :
  • Orenstein, N., Sellink, M. (éd.),Pieter Bruegel the Elder: Drawings and Prints [catalogue d'exposition], Rotterdam/New York, 2001, n° 101-103.
  • Vervoort, R., "De heilige, de heks en de tovenaar. Verklaring van de Bruegel-prent De legendarische ontmoeting tussen Sint Jacob en de tovenaar Hermogenes (1565)", in Millenium, 17, 2003, I, p. 26-44.
  • Orenstein, N., Sellink, M. (éd.), Pieter Bruegel the Elder. The New Hollstein: Dutch & Flemish Etchings, Engravings and Woodcuts, 1450-1700 , Ouderkerk aan den Ijssel, 2006, n° 11-12.
  • Vervoort, R., ‘Vrouwen op den besem en derghelijck ghesproock’. Pieter Bruegel en de traditie van hekserijvoorstellingen in de Nederlanden tussen 1450-1700, Nimègue, 2011, pp. 48-161.
  • Sellink, M., Bruegel. Het volledige werk. Schilderijen, tekeningen, prenten Gand, 2011, n° 131, 133.
  • Mössinger, I., Müller, J. (éd.), Pieter Bruegel d. Ä. und das Theater der Welt [catalogue d'exposition], Chemnitz, 2014, n° 40-41.
  • Baassens, M., Van Grieken, J., Bruegel in Black and White, The Complete Graphic Works [catalogue d'exposition], Bruxelles, 2019, n° 9.

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