Présentation scientifique

Henri Suso est un dominicain né vers 1296 à Constance et mort en 1366 à Ulm. Il est sans conteste l’une des figures majeures de la spiritualité du XIVe siècle, connu pour avoir contribué à diffuser la mystique rhénane de Maître Eckhart, dont il suivit les enseignements au Studium generale de Cologne. Il est l’auteur de plusieurs œuvres d’importance, mais son Horloge de la Sagesse est certainement celle qui rencontra la plus large diffusion à la fin du Moyen Âge. Cette œuvre fut initialement écrite à destination des moniales dominicaines de la région du Rhin supérieur vers 1334 et son titre rappelle une vision de Suso où il aurait vu une horloge. Le théologien y prêche la nécessité de la contemplation des souffrances et des perfections du Christ pour s’unir à Dieu.

La première édition de ce texte paraît vers 1480 au format in-quarto et est attribuée à l’imprimeur colonais Conrad Winters. Huit autres furent publiés avant 1500, dont deux dans les anciens Pays-Bas : la première à Delft, en juin 1485, chez Jacob Jacobszoon van der Meer ; la seconde à Alost chez Thierry Martens. Cette dernière fait l’objet de la présente numérisation. Son colophon n’est pas daté, mais l’examen attentif du papier permet de placer son exécution au cours des années 1487-1488. À ce sujet, pour son papier, Martens privilégiait des fournisseurs implantés dans le nord-est de la France, en Champagne, en Bourgogne et en Lorraine. Ici, plusieurs types de papier sont entrés dans la composition de cette édition, un premier avec un filigrane figurant une étoile, un autre avec un p gothique sommé d’un trèfle à quatre feuilles et un dernier présentant un écu barré contenant trois fleurs de lis et sommé d’un trèfle à quatre feuilles. Ces papiers proviennent de moulins situés en Champagne.

Notre exemplaire présente une belle ornementation manuscrite, certainement commandée par le premier possesseur de l’ouvrage. Le livre s’ouvre ainsi sur une imposante lettrine, haute de 14 lignes, finement filigranée à l’aide d’encres bleue et rouge, dont la décoration se prolonge dans la marge. Il est également totalement rubriqué, avec des initiales et des pieds-de-mouche rouges. Les pages sont occasionnellement annotées par une écriture contemporaine, mais ont malheureusement été rognées au XIXe siècle par le relieur bruxellois Laurent Claessens. La nouvelle reliure, en veau brun caramel, pastiche les reliures de type monastique de la fin du Moyen Âge. Elle aura probablement été commandée par son dernier propriétaire, le baron Adrien Wittert, qui fit don du livre à l’université de Liège à son décès en 1903.

Renaud Adam
Attaché