Présentation scientifique

Parmi les papiers de savants conservés au département des manuscrits des Bibliothèques de l’ULiège, figurent diverses archives, dont des notes de laboratoire du physicien et chimiste maastrichtois Jean-Pierre Minckelers (1748-1824). Concurremment avec le Français Philippe Lebon et l’Anglais William Murdoch, il est connu pour avoir isolé l’« air inflammable » à partir de la houille, et ouvert de ce fait la voie au gaz d’éclairage. Toutefois, l’intérêt de la carrière de Minckelers ne se borne pas à cette découverte. Au travers de son parcours, c’est aussi le basculement de l’Ancien régime vers la modernité politique, scientifique et industrielle qui se trouve illustré.

Minckelers provient d’une famille de pharmaciens. Il étudie les sciences et la philosophie à l’université de Louvain, avant d’y enseigner la physique. Dans les années 1780, il soutient les réformes de Joseph II et participe à la fondation d’une université impériale à Bruxelles. Ce positionnement idéologique le met en porte-à-faux avec les autorités louvanistes et le contraint à abandonner ses fonctions universitaires à l’éclatement de la Révolution brabançonne. Il retourne alors à Maastricht. Dès 1798, il enseigne la physique et la chimie à l’École centrale, que les Français ont ouverte dans cette ville. En 1804, il est reçu à l’examen de pharmacie ; une profession qu’il exercera ensuite jusqu’à son décès. Durant ces dernières années, Minckelers reste aussi à l’écoute des progrès de la science, et dans la Basse-Meuse riche en fossiles, où il vit, il s’intéresse ainsi à la paléontologie. Sous le régime hollandais, son élection au sein des Académies de Bruxelles et d’Amsterdam couronne son parcours professionnel.

Les notes de laboratoire présentées ici concernent ses travaux sur l’ « air inflammable », commandités par le duc Louis-Engelbert d’Arenberg. Impressionné par les expériences d’ascension en ballon des frères Montgolfier, le duc désirait les reproduire, mais à faible coût. Le défi relevé par Minckelers sera de découvrir et de produire à peu de frais une substance plus légère que l’air qui, insufflée dans le ballon, lui permettra de s’élever. C’est chose faite en 1783, à partir de la houille : « le 15 d’octobre passé – écrit le chimiste – ayant mis de la houille en poudre dans un canon de fusil, j’en ai obtenu de l’air inflammable en abondance et très promptement. […] lequel ayant été pesé fut trouvé quatre fois plus léger que l’air atmosphérique ».

Ce « gaz de houille » (présent dans les galeries de mines, sous l’appellation de « grisou ») révèle bientôt ses potentialités pour l’éclairage des lieux et édifices publics et privés, ainsi que des usines. À l’aube de la révolution industrielle, le gaz d’éclairage affranchit donc des contraintes liées à l’obscurité nocturne. Mais il permet aussi d’allonger jusqu’à l’insupportable les journées de travail pour les ouvriers. En cela, il représente à la fois l’avers et le revers de la médaille du progrès industriel au XIXe siècle.

Geneviève Xhayet
Professeur associé

Cette présentation a été réalisée dans le cadre du catalogue de l'exposition Empreintes. Patrimoine écrit, témoin de l’Histoire qui s'est déroulée à la Cité Miroir (Liège), du 21 avril au 20 juillet 2018.