Présentation scientifique

En 1688, à une époque de hautes tensions entre la France et le reste de l’Europe, le protestant Henri Desbordes, un Français exilé à Amsterdam, publie un Testament politique sous le nom du cardinal de Richelieu, mort plus de 46 ans auparant. Son travail éditorial repose probablement sur un manuscrit inachevé que lui aurait remis un autre protestant, gardien du château de Richelieu. L’objectif du libraire est de dénoncer la politique religieuse de Louis XIV en montrant combien le roi absolu, qui vient d’interdire le calvinisme dans son royaume, est éloigné des principes énoncés par le ministre de son père. Armand-Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, avait en effet dirigé, pour Louis XIII, les affaires du royaume de France pendant dix-huit ans (1624-1642) : homme d’Etat d’une envergure exceptionnelle qui avait fait de la raison un mode de gouvernement, il avait solidement assis le pouvoir du roi et assuré le prestige international de la France.

Lors de sa publication amstellodamoise, le Testament politique rencontre vite un succès important, alors même que l’authenticité du document est immédiatement remise en cause. Si les débats sur la paternité du Testament ont fait couler beaucoup d’encre (Voltaire était convaincu qu’il ne pouvait être de la main du cardinal), l’on s’accorde aujourd’hui pour reconnaître que la pensée déployée dans ces pages est bien celle de Richelieu mais que sa rédaction doit être attribuée à un homme de plume à qui il aurait confié le travail. L’ouvrage présente deux parties : la première, plutôt brève, relate les « grandes actions » de Louis XIII entre 1624 et 1638 tandis que la seconde, considérablement plus longue, expose des propositions pour un programme de réformes au sein du royaume de France, qu’une paix prochaine semble pouvoir autoriser. Richelieu, ministre chevronné, y formule à l’intention du roi une série d’actions concrètes, nourries de son expérience et de sa pratique du fonctionnement de l’Etat. Le Testament politique est en réalité un traité de bon gouvernement qui dit comment, par le moyen de la raison, éradiquer les abus gangrénant l’église, la noblesse, l’administration, la justice, le conseil du roi... pour permettre à Louis XIII de remédier à la « corruption du siècle » et asseoir sa puissance sur un ordre stable.

Annick Delfosse
Professeure ordinaire

Cette présentation a été réalisée dans le cadre du catalogue de l'exposition Empreintes. Patrimoine écrit, témoin de l’Histoire qui s'est déroulée à la Cité Miroir (Liège), du 21 avril au 20 juillet 2018.