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Informations

Les regrets et souspirs lamentables de la France sur le tres-pas de très-haut et très-valeureux Prince, mon Seigneur, François de Valois, duc d'Anjou fils &frère de Roy : contenant un advertissement à la noblesse, & à tout le peuple de France, sur la mort d'iceluy. Avec l'Epitaphe dudict Seigneur.

Auteur(s), créateur(s), collaborateur(s) :
Type d'objet représenté : Livre, monographie

Détails
Editeur: A Paris : par Francois Tabert
Lieu de création de l'objet original: Paris (France)
Première publication ou diffusion de l'objet original: 1584
16e siècle
Temps Modernes (1492-1789)
Lieu de conservation de l'objet original: Réseau des Bibliothèques
Identifiant(s): XXII.87.8(R)(Poesie 1) (cote ULiège ; 3e partie du recueil)
700600523 (code-barres ULiège)
Langue de l'objet original: Français moyen (1400-1600)
Matériau, support de l'objet original: Papier
Dimensions, durée ou poids: 16 cm
Description physique de l'objet représenté: 11, [1] f. ; in-4°
Table des matières, sommaire du document original: L'exemplaire à la cote XXII.87.8(R)(Poesie 1) de la bibliothèque Alpha est relié avec "Cent quatrains contenans preceptes & enseignements tres utiles pour la vie de l'homme".
Description: Empreinte : s-i- s.s, dee, FIe. (C) 1584 (R)

Signatures : A-C⁴
Discipline(s) CREF: Histoire
Lettres
Discipline(s): Arts & sciences humaines => Histoire
Arts & sciences humaines => Littérature
Ressource(s) liée(s) à l'objet original: Cent quatrains contenans preceptes & enseignements tres utiles pour la vie de l'homme
Universal Short Title Catalogue no.13452 - https://www.ustc.ac.uk/editions/13452
Fait partie du: Domaine public
URL permanente: https://hdl.handle.net/2268.1/3964

pdf.png
XXII.87.8(R)(Poesie 1)-3.pdf
Description:
Taille: 2.18 MB
Format: Adobe PDF
Type d'accès: Accès ouvert
Présentation scientifique

Les regrets et souspirs sont imprimés à Paris en 1584 par François Tabert, imprimeur actif à Paris de 1574 à 1589 dont la biographie est mal connue. La même année, ce texte est réimprimé [USTC 11764 ] à Lyon par le prolifique Benoît Rigaud, dont au moins dix-sept des ca 1500 titres sont conservés dans les collections de l’Université de Liège . Le court volume débute par quatre pages d’un Advertissement au peuple de France en prose, suivies d’une épigramme en latin et en français puis d’un Sonnet de l’autheur sur ces regrets, d’une page chacun. Après ces pièces liminaires commencent Les regrets et souspirs proprement dits, composés de quarante-six quatrains d’alexandrins à rimes plates, et suivis par l’Epitaphe de mondit seigneur, composée de trois sixains, d’un huitain et de trois autres sixains, toujours en alexandrins à rimes plates. La pièce se clôt par un extrait du privilège du roi.

L’exemplaire liégeois des Regrets et souspirs fait partie du Recueil sur la Ligue, Poésie 1 , un des 80 volumes miscellanées factices de ce genre conservés à l’Université de Liège qui réunissent environ 1595 pièces ligueuses au sens large, réparties selon des critères thématiques (le clergé, la guerre, etc.) ou formels (oraison funèbre, poésie, lettre, etc.). Ces pièces ont été reliées, numérotées et parfois retranchées au XVIIIe ou au XIXe siècle, probablement avant leur achat par l’Université. Les circonstances de l’arrivée de ces textes dans les collections patrimoniales, encore très floues, mériteraient assurément une enquête approfondie.

On notera toutefois que Les regrets et souspirs n’ont — dans un premier temps — qu’un lien très ténu, et purement contextuel, avec la Ligue, ce vaste mouvement ultra-catholique qui s’éleva contre la perspective de l’accession au trône de France d’Henri de Bourbon, chef du mouvement protestant. Comme leur titre l’indique, ils ont en effet été publiés à l’occasion de la mort de François d’Alençon, frère et héritier d’Henri III (cf. HOLT 1986). Cet événement annonciateur de l’extinction prochaine de la lignée des Valois permit à Henri de Bourbon, en vertu de la loi salique, de devenir le nouvel héritier du roi, et conduisit ainsi les ultra-catholiques à réagir et à prendre les armes.

Les Regrets et soupirs ne disent toutefois rien de cette crise de succession. Leur auteur y synthétise seulement une série de topoï qui concourent à faire correspondre le texte au modèle nobiliaire de la belle mort (GERMA-ROMANN 2001) : idéalisation du moment, présentation du champ de bataille comme champ d’honneur, insistance sur l’humilité, l’honneur, la bravoure, la fidélité à Dieu et au roi, l’immortalité de l’âme vertueuse, la liberté individuelle. Tout ceci en ferait presque oublier que François d’Alençon est en réalité mort de tuberculose. Le contraste entre cette prosaïque réalité et la manière dont elle est reconstruite dans Les regrets et souspirs confirme que l’idéal de la mort chevaleresque et ses vertus pédagogiques sont encore très prégnants à l’époque des guerres de Religion.

La présence de ce texte dans les recueils ligueurs de l’Université de Liège peut toutefois se justifier par l’intéressante postérité qu’il connaît sous la Ligue : alors que Les regrets et souspirs n’avaient rien de polémique, ils font, sous les presses ultra-catholiques, l’objet de deux remplois significatifs. Le premier d’entre eux [USTC 10319 , PALLIER 151] a lieu à l’occasion de la mort du duc Anne de Joyeuse (1587), mignon d’Henri III et antiprotestant aussi intransigeant que populaire, comme le confirme le retentissement que sa mort connut dans les libelles ligueurs (PALLIER 121–124, 152–153). Bien que les circonstances du décès de Joyeuse, survenu lors de la bataille de Coutras contre le futur Henri IV, soient très différentes de celles d’Alençon, Les regrets et souspirs sont réemployés et prennent alors le titre de Les regrets et souspirs lamentables de la France sur le trespas de tres-haut et tres-valeureux seigneur, monseigneur le duc de Joyeuse. Ils sortent des presses d’Hubert Velu, imprimeur extrêmement actif sous la Ligue pour laquelle il publie des dizaines de libelles.

La propriété intellectuelle est une notion étrangère aux polémistes de la première Modernité : selon leur rapport si particulier aux textes, créer signifie avant tout compiler ce que d’autres ont écrit. Tatiana Debbagi Baranova a bien montré combien, dans un contexte aussi agité que les guerres de Religion, il est extrêmement courant que les pamphlétaires recourent à un procédé d’accommodation des textes : des passages entiers sont recopiés depuis des ouvrages publiés dans des situations souvent très différentes et remis au goût du jour, circulant parfois même d’un camp à l’autre (DEBBAGI BARANOVA 2012). Les polémistes ligueurs ont ainsi accommodé Les regrets et soupirs afin de les rendre pertinents dans le contexte de 1587, mais quelques oublis (p. 4, « prince » n’a pas été remplacé par « duc ») suggèrent que ce travail a été réalisé dans une certaine précipitation. L’hypothèse est confirmée par des erreurs de retranscription depuis l’édition originale (p. 11 : confusion entre « estreigne » et « esteigne »). Par ailleurs, tout du long, ce remploi supprime des quatrains entiers, pourtant peu personnalisés : cette volonté de raccourcir peut être significative d’un manque de moyens ou d’une volonté de cibler la rhétorique autant que faire se peut. Ni l’épigramme latine ni le Sonnet de l’autheur sur ses regrets ne sont repris. Ce remploi ne se contente toutefois pas de modifier ou de supprimer des passages, puisqu’il ajoute une partie inédite : L’ordre tenu au convoy & obseques de Monseigneur le Duc de Joyeuse. Il reprend ensuite les vers de l’Epitaphe de mondict Seigneur, elle aussi allégée de plusieurs quatrains.

À l’occasion de l’assassinat du duc de Guise (23 décembre 1588), événement-pivot dans l’histoire et les libelles de la Ligue catholique (cf. BELL 1988), Les regrets et souspirs sont de nouveau réemployés, à trois reprises [USTC 62586 , 64824 et 10930 ; PALLIER 310] et sous le titre de Regrets et souspirs lamentables de la France sur le trespas de tres-haut, tres-valeureux seigneur monseigneur le duc Guyse. Ce texte reprend les modifications effectuées lors du premier remploi et apporte d’autres amendements afin d’accommoder le texte selon le nouveau contexte. La précipitation dans laquelle ces opérations sont effectuées est telle que de nombreuses erreurs rendent certains passages presque incompréhensibles.

En conclusion, on retiendra que réemployer un texte n’est jamais innocent, d’autant plus dans le contexte dense et troublé des guerres de Religion qui voit se dérouler de nombreuses courses pour communiquer son interprétation d’un événement de l’actualité avant l’adversaire. Afin d'être le premier à réagir, on fait feu de tout bois ; dans cette optique, le remploi est un procédé très commode. C’est ainsi que la Ligue reprend à son compte un texte initialement consacré à la mort du frère d’Henri III pour célébrer celle d’un mignon royal… puis pour condamner un assassinat commis par Henri III lui-même. Qu’importe le fait que les circonstances des trois décès soient radicalement différentes, qu’importe l’histoire du texte, les polémistes s’en emparent dès lors qu’il peut être adapté aux exigences du contexte.

Une comparaison minutieuse des textes permet d’aller au-delà de la simple constatation de remploi : le travail d’accommodation des textes nous renseigne sur la pratique de l’écrit et l’instrumentalisation de l’imprimerie à la fin des guerres de Religion. Les nombreuses erreurs que comportent les libelles indiquent que, dans ce contexte, la qualité littéraire est régulièrement sacrifiée au nom de l’efficacité : la Ligue effectue un travail textuel complexe mais, parce que qu’elle est réalisée dans l’urgence et avec des moyens sans cesse plus restreints, cette entreprise de grande ampleur est souvent maladroite, et pas toujours cohérente.


Transitions

Alexandre Goderniaux
Assistant, Histoire moderne

Cette présentation a été réalisée dans le cadre de la collection "Arm@rium Universitatis Leodiensis. La bibliothèque virtuelle du Moyen Âge et de la première Modernité de l’Université de Liège", développée par l'Unité de Recherche Transitions .


Citer cette présentation :
Goderniaux A., « Les regrets et souspirs lamentables de la France sur le tres-pas de tres-haut et tres-valeureux Prince, mon Seigneur François de Valois, duc d’Anjou, fils & frere du Roy. Contenant un advertissement à la Noblesse, & à tout le peuple de France, sur la mort d’iceluy. Avec l’Epitaphe dudict Seigneur, Paris, François Tabert, 1584, 4° (Liège, Bibliothèque Alpha, XXII.87.8(R), pièce n°3) », in Arm@rium Universitatis Leodiensis. La bibliothèque virtuelle du Moyen Âge et de la première Modernité de l’Université de Liège, avril 2018. http://hdl.handle.net/2268.1/3964
Bibliographie :

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