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Le massacre des innocents

Author(s), creator(s), collaborator(s) : Raimondi, Marcantonio; Raffaello, Sanzio
Type of the represented object : Print (visual works)

Détails
Author(s), creator(s), collaborator(s): Raimondi, Marcantonio (1480-1534) (engraver)
Raffaello, Sanzio (1483-1520) (inventor)
First publication of the original object: 1511
16th century
Modern times (1492-1789)
Original object location: Musée Wittert
Identifiant(s): Numéro d'inventaire : 1799
Original object language: Undetermined
Material, support of the original object: burin
Dimensions, weight or duration: 28,3 x 43,4 cm
CREF classification(s): Arts
Classification(s): Arts & humanities => Art & art history
Part of: Public domain
Permalink: https://hdl.handle.net/2268.1/3537

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01799.jpg
Description:
Size: 326.2 kB
Format: JPEG
Access type: Open Access
Scientific presentation

C’est l’épisode brièvement mentionné dans l’évangile de Mathieu que Raphaël Sanzio a choisi de représenter et de faire graver par Marcantonio Raimondi, à savoir le massacre des nouveau-nés de Bethléem, ordonné par le roi Hérode, qui espérait ainsi faire disparaître le messie. Conçue dès l’origine comme un modèle d’estampe, cette composition est, de tout l’œuvre de Raphaël, celle qui a connu la plus large audience.

Par la violence de la scène qu’elle représente, elle contraste avec l’atmosphère sereine des fresques que le grand peintre de la Renaissance réalisait au même moment dans la Chambre de la Signature, au Palais du Vatican. Appréhendée comme une frise évoquant l’horreur du massacre, elle n’est pas sans rappeler la Bataille de Cascina de Michel-Ange, que Raphaël avait vue à Florence un peu plus tôt. Personnages tantôt nus, tantôt vêtus ; hommes cruels et mères éplorées ; innocence de l’enfance et brutalité des soldats d’Hérode : le Massacre des Innocents de Raphaël s’appréhende moins comme une narration que comme une juxtaposition de contrastes, ce qui lui confère une charge dramatique forte. L’action se déroule dans la Rome du XVIe siècle, où l’on reconnaît notamment le Ponte Quattro Capi, qui rythme la composition.

L’artiste théoricien Giorgio Vasari nous rapporte que Raphaël avait l’habitude de concevoir des compositions qu’il donnait à graver à Marcantonio Raimondi. Ce dernier, originaire d’une localité proche de Bologne, s’était formé à la gravure et à l’orfèvrerie auprès du peintre Francesco Francia. Après un séjour à Venise et à Florence, il arriva à Rome vers 1510. C’est alors que débuta sa collaboration avec Raphaël, sous la supervision d’un des garzoni du maître, Il Baviera. Le Massacre des Innocents, loué par Vasari, est le fruit de cette association entre le peintre et le graveur, comme l’atteste l’inscription visible sur le parapet situé à gauche de la scène, associant leurs deux noms. Cependant, la nature précise de leur relation professionnelle fait débat : faut-il y voir un partenariat commercial où graveur, artiste et éditeur avaient chacun un rôle prédéfini, comme le suggère Giorgio Vasari ? Ou Raimondi travaillait-il de manière autonome, tout en recevant occasionnellement des compositions de Raphaël à transposer en gravure ? La recherche actuelle favorise la seconde hypothèse, sans nier l’existence de contacts privilégiés entre les deux artistes. Raphaël fera plusieurs fois appel aux talents de graveur de Raimondi, car il mesurait bien l’intérêt de diffuser ses inventiones par l’estampe. Raimondi collabora également avec les garzoni du maître, jusqu’au sac de Rome en 1527, qui le contraignit probablement à fuir. Le moment exact de sa mort n’est pas connu, mais on peut la situer après 1534.

Le Massacre des Innocents devait être une œuvre importante aux yeux de Raphaël, à en juger par les nombreux dessins préparatoires qu’il lui consacra. Les études les plus abouties sont au nombre de trois. Elles sont conservées respectivement au British Museum (1860.0414.446) et dans la Royal Collection de Londres (RLIN912737) ainsi qu’au Szépművészeti Múzeum de Budapest (inv. 2195). Les dessins conservés en Angleterre présentent des différences par rapport à la gravure : les personnages y sont nus, certains motifs manquent, les jeux d’ombres et de lumières sont traités autrement. Il semble donc peu probable qu’ils aient servi de modèles directs. Le dessin de Budapest révèle quant à lui une grande proximité avec la gravure, mais son attribution à Raphaël est parfois rejetée. On y a vu l’œuvre d’un collaborateur du maître ou de Raimondi lui-même. Sa fonction est discutée également : certains spécialistes le tiennent pour une copie d’après la gravure, tandis que d’autres y voient un modèle pour celle-ci. Malgré leurs différences, ces trois dessins comportent un point commun : l’absence d’arrière-plan. Tel qu’il apparaît sur la gravure, celui-ci semble inspiré – directement ou indirectement - d’une veduta datée de la fin du XVe siècle, appartenant au Codex Escurialensis.

Deux versions du Massacre des Innocents ont été produites par Raphaël et Raimondi. Elles divergent sur un détail : un petit sapin qui occupe le coin supérieur droit de l’une d’elles (on peut l’observer sur l’exemplaire liégeois), alors qu’il est absent sur l’autre. Sans entrer dans les débats passionnés auxquels cette observation donne lieu, on peut soutenir que les deux versions sont de la main de Raimondi. D’un point de vue chronologique, la version au sapin devrait être antérieure. En effet, elle si on la compare avec la veduta mentionnée plus haut, on s’aperçoit qu’elle trahit les mêmes imperfections. C’est notamment le cas d’une fenêtre visible sur l’édifice avec une cheminée, à droite de l’église, que l’auteur du dessin avait omis de noircir. Cette erreur est précisément reproduite sur la gravure. En revanche, les défauts sont corrigés sur la composition dépourvue de sapin, ce qui suggère que cette version est plus récente. Le premier Massacre peut être daté de 1511-12, tandis que le second serait à situer vers 1513-15, sur la base de l’évolution stylistique et technique de Raimondi. La raison pour laquelle le graveur mit au point une seconde matrice à quelques années d’intervalle de la première n’a pas pu être établie. Mais on sait que Baviera avait en sa possession la matrice d’origine, ce qui aurait pu inciter Raimondi à en confectionner une autre, afin d’être en mesure de profiter pleinement des bénéfices de son succès.

L’exemplaire liégeois, qui est malheureusement un mauvais tirage, comporte plusieurs inscriptions et marques. Deux cachets, situés au verso de la gravure, indiquent que le Massacre des Innocents conservé à l’Université de Liège provient du Kupferstichkabinett de Berlin. Sur le recto, on reconnaît aussi un cachet aux armes d’ Adrien Wittert, apposé par l’Université lorsqu’elle hérita de la collection du baron en 1903. Wittert dut probablement entrer en possession de cette épreuve à l’occasion de l’une des nombreuses ventes organisées par le Kupferstichkabinett, qui possédait le Massacre en double, comme l’indique l’un des deux cachets présents au dos de la gravure.

Signature, au milieu du côté gauche, sur le parapet : « RAPH ∙ URBI ∙ INV ∙ E ∙ MA ∙ » ; inscription manuscrite à l’encre, au verso, dans la partie inférieure : « Huber P. 70. N°. II. Le Massacre des Innocens. Sur un piédestal vers la gauche : Raph. Urb. inven. au dessous la chiffre de M. Antoine » ; à gauche du cachet de l’Université de Liège, au crayon : « M. A. Raimondi B. 18 très rare » ; autre inscription dans le coin inférieur gauche illisible. Présence d’un filigrane. Présence d’un cachet au recto : cachet aux armes du Baron Adrien Wittert. Présence de trois cachets au verso : deux cachets du Kupferstichkabinett de Berlin (Lugt 1606 et Lugt 2398) ; un cachet apposé par l’Université de Liège avec numéro d’inventaire.
283 × 434 mm
Burin


Transitions

Eva Trizzullo
Doctorante

Cette présentation a été réalisée dans le cadre de la collection "Arm@rium Universitatis Leodiensis. La bibliothèque virtuelle du Moyen Âge et de la première Modernité de l’Université de Liège", développée par l'Unité de Recherche Transitions .


Citer cette présentation :
Trizzullo E., « Marcantonio Raimondi, Le Massacre des Innocents, de d’après Raphaël, 1511, burin, 28,3 x 43,4 cm (Liège, Collections artistiques, Inv. 1799) », in Arm@rium Universitatis Leodiensis. La bibliothèque virtuelle du Moyen Âge et de la première Modernité de l’Université de Liège, juin 2017. http://hdl.handle.net/2268.1/3537
Bibliographie :
  • Bloemacher, A., Raffael und Raimondi : Produktion und Intention der frühen Druckgraphik nach Raffael, Berlin, Munich, Deutscher Kunstverlag, 2016, p. 65-71.
  • Bloemacher, A., « Marcantonio Raimondi and Raphael. The Engraver's 'Empty Tablet Signature' as a Plurivalent Sign », in Chicago Art Journal, vol. 18, 2008, p. 20-41.
  • Emison, P., « Marcantonio’s "Massacre of the Innocents" », in Print Quarterly, vol. 1, n° 4, 1984, p. 257-267.
  • Getscher, R. H., « The "Massacre of the Innocents", an Early Work Engraved by Marcantonio », in Artibus et Historiae, vol. 20, n° 39, 1999, p. 95-111.
  • « L.1606 », in Frits Lugt, Les Marques de Collections de Dessins & d’Estampes | Fondation Custodia [en ligne], consultable sur http://www.marquesdecollections.fr/detail.cfm/marque/7996/total/1 .
  • Pon, L., Raphael, Dürer, and Marcantonio Raimondi : Copying and the Italian Renaissance Print, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 118-136.
  • Vasari, G., Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori. Scritte da m. Giorgio Vasari pittore et architetto aretino, I-III, Florence, Bernardo I Giunta, 1568.
  • Witcombe, C.L.C.E, Print Publishing in Sixteenth Century Rome : Growth and Expansion, Rivalry and Murder, London, Harvey Miller, 2008, p. 25-29.
  • Wouk, E. H. et MORRIS, D. (éd.), Marcantonio Raimondi, Raphael and the Image Multiplied, cat. exp. (Whitworth Art Gallery, Manchester, 30 septembre 2016 - 23 avril 2017), Manchester, Manchester University Press, 2016, p. 172-175, nos 34-35-36.

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